4 - Retour à Marseille de Jack Beagle
Prologue
— RBO — Radio Best Of, votre web radio, il est neuf heures ! Voici les actualités, présentées par Arnaud Bollec !
— Merci bien, Jacky Woodpecker ! D’étranges cas de disparitions frappant les milieux de la finance et du showbiz ont été signalés ces derniers jours. Pour le moment, aucune demande de rançon n’a été faite, et la police ne sait pas par quel bout prendre l’affaire…
Il coupa le son et se dirigea vers les écrans de contrôle qui tapissaient le mur de la salle. Sur chacun, il pouvait surveiller les personnes enfermées dans les cellules spécialement aménagées pour ses invités forcés.
Il rit à gorge déployée. Son plan était prêt, et rien ni personne n’allait pouvoir l’arrêter.
Première partie : Un amour de jeunesse…
… 30…
Matt Borel était tranquillement affalé derrière son bureau, plongé dans les dernières nouvelles de La Marseillaise tout en sirotant son Highland Park. Cela faisait maintenant presque un mois qu’il était rentré de croisière avec Liloo et Manon, sa nièce.
Ces vacances furent mouvementées, tout comme les semaines qui avaient suivi sa rencontre avec l’ancien président des États-Unis Barry Obamo. Des espions, des organisations criminelles, des coups et des bosses comme s’il en pleuvait… Bon sang ! Il fallait bien que ça s’arrête un jour et il était bien décidé à ne pas replonger de sitôt dans une nouvelle affaire.*
Les dernières avaient rapporté néanmoins suffisamment pour le mettre financièrement à l’abri et rémunérer correctement sa secrétaire.
Sandrine Sido de Giverny, comtesse de l’Île-Aux-Moines – alias Liloo –, avait été à l’origine de sa rencontre avec Obamo. Il savait qu’elle était d’ascendance aristocratique, mais il y avait tant de choses sur elle, sur le passé qu’il lui avait découvert, qu’il se demandait bien pourquoi elle perdait son temps avec lui.
* Lisez les trois premiers volumes et vous saurez tout.
Après tout, il n’était qu’un détective insignifiant que rien ne prédestinait à vivre de si palpitantes aventures ni à connaître un milieu auquel seul le petit écran lui donnait autrement accès.
Grâce à elle, sa vie avait changé. Il avait même arrêté de boire. Du moins plus autant.
En revanche, il n’arrivait toujours pas à savoir ce qui se cachait derrière les scènes de jalousie qu’elle lui faisait parfois. Était-elle amoureuse de lui ?
Elle voyait pourtant que c’était un cœur d’artichaut et qu’il passait facilement d’une passion à l’autre. Il avait en outre assurément croisé un certain nombre de jolies femmes, dernièrement.
Même s’il lui avait avoué son amour lorsqu’elle fut blessée en Boslavie*, il n’était ni sûr d’avoir été entendu ni de la réciprocité de leurs sentiments.
Il avait espéré éclaircir ce point pendant leur croisière, mais la présence de la nièce et un nombre invraisemblable de cadavres avaient quelque peu chamboulé ses projets**.
Liloo était plus qu’une simple assistante. Elle lui avait maintes fois sauvé la mise et la vie. Il se devait de la considérer comme une associée.
Il avait d’ailleurs commandé une nouvelle plaque à leurs deux noms pour l’apposer sur la porte d’entrée.
* Lire L’affaire Miroslav
**Lire Matt prend le large
Matt Borel et Sandrine Sido — Détectives en tout genre. Ça sonnait drôlement bien !
Il comptait lui en faire la surprise. Il imaginait déjà la tête qu’elle ferait.
Peut-être, sauterait-elle à son cou, l’embrasserait-elle et, alors, il la prendrait dans ses bras et…
— Stop ! se dit-il en essayant de chasser de son esprit toutes ces images que la morale réprouverait certainement.
Il voulait en faire son associée, pas sa petite amie. Quoique…
— Non ! Non ! Non ! se répéta-t-il en secouant énergiquement la tête, espérant se convaincre une fois pour toutes.
C’était, une fois de plus, une belle et chaude journée. Manon était repartie chez son père et avait repris le chemin des écoliers ; Liloo était sortie faire quelques achats pour le bureau.
Il était donc seul, au calme, et il comptait bien en profiter.
Soudain, la sonnette de l’entrée !
— Bon sang ! On ne peut jamais être tranquille ! râla-t-il.
Il posa son journal, s’apprêtant à demander à Liloo d’aller ouvrir, mais il se souvint qu’il était seul. Devant l’insistance du visiteur et le son strident de la sonnette qui lui écorchait les oreilles, il se leva, bien décidé à envoyer l’importun se faire voir dans les îles.
Il ouvrit violemment la porte et resta muet de stupeur devant la vision qui s’offrait à lui.
La gorge nouée, il ne parvint plus à parler. Il crut avoir remonté le temps. Devant lui se tenait son amour de jeunesse.
— Lucia ! Lucia Cardini ! Che sorpresa ! se surprit-il à dire en italien.
Il avait connu Lucia pendant ses vingt ans, lors d’un séjour tout près de Naples. Par la suite, ils s’étaient revus et avaient même vécu quelques mois ensemble, avant qu’elle ne le laisse tomber sans explication.
C’était de l’histoire ancienne. Il pensait ne jamais revoir cette femme qui lui avait brisé le cœur, laissant derrière elle une plaie béante que le temps et son progressif engourdissement du cœur ne refermèrent jamais totalement.
Depuis, il avait ouvert une agence de détectives et elle avait épousé un riche industriel, magnat de la finance. La jeune fille avait laissé place à une femme, toujours aussi belle et désirable.
— Lucia ! Si je m’attendais à ça ! Tu es venue me briser le cœur une fois de plus, ou bien m’expliquer pourquoi tu m’as largué comme un boumian du jour au lendemain ?
— Laisse-moi entrer, Matteo au lieu de raconter des bêtises comme d’habitude. J’ai besoin de ton aide ! dit-elle en le poussant.
… 29…
L’homme marchait tranquillement dans la rue. Le regard vide, le teint livide. Sans prêter attention aux gens qui allaient et venaient autour de lui, il entra dans le grand magasin de la Canebière. Ses gestes étaient mécaniques, comme guidés par une entité extérieure.
Il s’immobilisa au centre du magasin et resta planté au milieu des gens qui le bousculaient, toujours muet. Un agent de surveillance, intrigué par son attitude, vint à sa rencontre.
— Monsieur, vous cherchez quelque chose ? s’enquit-il poliment.
L’autre ne répondit pas et resta toujours immobile.
— Monsieur ! Vous allez bien ? Je peux vous aider ?
Devant son silence, l’agent s’apprêtait à porter la main sur l’individu pour l’entraîner vers un endroit plus tranquille quand ce dernier sortit vivement un pistolet de sa poche et tira en l’air.
L’agent recula promptement et la foule, affolée tel un troupeau de la savane, tenta par tous les moyens de se mettre à l’abri.
(à suivre)