5 - Matt et le docteur Menedel de Jack Beagle (Extrait)
Prologue
Prologue
— Il est 9 h sur RBO-Radio Best Of, votre web radio. Jacky Woodpecker avec vous pour cette matinée musicale. Mais pour l’instant, les informations, présentées par Arnaud Bollec.
— Merci, Woodpecker. Le calme semblait revenu sur notre belle ville de Marseille depuis cette vague de démence qui a frappé la population, mais un nouveau cadavre, le cinquième en deux mois, vient d’être repêché dans le Vieux-Port. Il portait, lui aussi, les mêmes marques de….
Il coupa le son de son ordinateur et se mit à chantonner un air qui lui redonna le sourire aux lèvres.
— Tout va bien ! pensa-t-il. Je ne suis pas près d’être inquiété par ces abrutis.
Première partie : Liloo ne répond plus
Chapitre 1
— Qu’est-ce que vous me voulez encore ? cria péniblement l’homme.
Assis sur une chaise, les mains liées dans le dos, il n’avait plus l’énergie nécessaire pour résister. Toute force avait déserté son corps. Le visage tuméfié, les arcades sourcilières éclatées, il essayait de distinguer son bourreau à travers ses paupières gonflées.
Peine perdue. Une énième volée de coups lui fit derechef perdre connaissance.
Un seau d’eau glacée, balancé sans ménagement, le ramena à la réalité. Combien de temps était-il resté évanoui ? Des heures ou bien seulement quelques minutes ? Il avait également oublié depuis quand il était attaché sur cette chaise, à supporter ce brutal interrogatoire.
— Je vous ai dit tout ce que je savais, balbutia-t-il.
— En êtes-vous bien sûr ? insista son bourreau. Je pense que vous nous cachez encore des informations.
— Non, je vous l’jure ! le supplia-t-il. Pitié !
Le docteur Ménédel prit une seringue sur une table.
— Qu’est-ce que c’est ? paniqua-t-il. Un sérum de vérité ?
— Mieux que ça mon ami, répondit-il d’un ton glaçant. Voici un nouveau virus que je viens de mettre au point. Son action est très lente. Il attaque tout doucement vos muscles. Ils vont se durcir peu à peu, puis ce sera au tour des pores de votre peau de se boucher. Enfin, vos poumons cesseront de fonctionner. Et pourtant…
Le bourreau approcha la seringue tout près des yeux de sa victime et fit perler plusieurs gouttes à la pointe de l’aiguille. Le captif sentit son sang se glacer dans ses veines. Il ne percevait aucune haine dans son regard, seulement la froideur d’un homme qui avait abandonné toute compassion envers ses semblables.
— Et pourtant… reprit celui-ci. Votre cerveau va continuer de vivre de longues minutes. Extraordinaire, n’est-ce pas ? Toutes vos fonctions vitales seront mortes, mais pas lui. Quel intérêt, me direz-vous ? Que voulez-vous, c’est le progrès !
— Nooon ! cria le désespéré. Vous ne pouvez pas…
— Mais si, je peux ! coupa-t-il sèchement. Vous, par contre, vous ne pourrez plus faire grand-chose. Je n’ose imaginer vos pensées à ce moment-là, lorsque vous sentirez votre corps agoniser doucement, très lentement.
— Je vous répète que je ne sais pas où elle est. Elle a complètement disparu de la circulation.
— Dommage ! soupira-t-il en lui inoculant le liquide. Vous allez souffrir terriblement et votre mort sera… horrible !
Un cri effroyable retentit dans les couloirs et les hommes postés à l’extérieur ne purent réprimer un sentiment de peur mêlé de pitié.
Le bourreau, son office fini, quitta le laboratoire, claquant la porte derrière lui. Les factionnaires au garde-à-vous sur son passage n’osèrent porter leur regard sur lui.
C’étaient des mercenaires aguerris qui en avaient vu d’autres, mais jamais ils n’avaient rencontré quelqu’un d’aussi cruel. La solde étant excellente, alors qu’importaient les atrocités commises si cela leur rapportait assez d’argent pour les mettre à l’abri de tout souci financier ?
Nul ne savait d’où sortait le docteur Ménédel ni qui il était vraiment. Tout cela restait un mystère !
Officiellement, il dirigeait une clinique de chirurgie plastique installée au cœur de la ville. Son carnet d’adresses comptait tout le gratin marseillais, et on le croisait très souvent dans des soirées mondaines ou des galas de bienfaisance. Il se murmurait aussi des activités moins licites à son actif, sans que l’on s’en inquiète. D’aucuns prétendaient en outre qu’il n’agissait pas toujours de façon légale – ce qui manifestement n’avait jamais par trop ému les agents de l’ordre.
— Lorsqu’il aura fini de crier, vous le jetterez aux chiens, leur ordonna-t-il, le regard injecté de sang. Sa mort n’en sera que plus horrible.
Il disparut derrière la porte coulissante qui menait à son bureau. Une fois à l’abri des curieux, il prit place sur un imposant fauteuil au cuir patiné, posa un casque audio sur ses oreilles et ferma les yeux. La musique de Claude François résonna dans sa tête.
Seules les chansons de son idole arrivaient à le détendre. Sa voix agissait comme un anesthésiant et le transportait dans un monde apaisé. Il se mit à chantonner tout doucement avec lui, puis de plus en plus fort.
Les paroles d’Alexandrie Alexandra retentirent à travers la pièce. Le volume devint si intense que les mercenaires l’entendirent de l’autre côté de la porte de son bureau. Ils se regardèrent avec effroi. Connaissant la cruauté de leur patron, ils en eurent la chair de poule.
Chapitre 2
— Mon Dieu ! Quelle odeur ! C’est une véritable infection ! pensa le professeur Bornellier en pénétrant dans l’agence de Matt Borel. Un mois et demi s’était écoulé depuis qu’ils avaient mis fin aux activités d’Aldrich Von Strabism, et Matt n’avait plus donné signe de vie.
Ses vieux démons avaient fini par refaire surface, et le détective marseillais avait rapidement replongé dans l’alcool.
À l’odeur, le docteur imagina le pire. Il se voyait déjà découvrir le cadavre de son ami. Il devait reconnaître que le départ de Liloo avait été comme un coup de tonnerre. À aucun moment, il n’avait supposé qu’elle partirait aussi brusquement. Il se dit qu’elle avait dû en avoir assez de le regarder passer de fille en fille, et la venue de Lucia Cardini était sûrement la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase.
Le bureau était plongé dans le noir, et le professeur trébucha sur des cartons de pizzas qui jonchaient le sol et des cadavres de bouteilles de toutes sortes.
Depuis quand Matt n’était-il pas sorti de chez lui ? Bornellier ouvrit en grand les fenêtres et la lumière du soleil inonda violemment la pièce.
(à suivre)