2 - L'affaire Miroslav de Jack Beagle (Extrait)
Prologue
— RBO-Radio Best Of, il est neuf heures ! Voici les actualités, présentées par Arnaud Bollec !
— Merci bien, Jack Woodpecker ! J-7 avant le mariage princier qui se tiendra dans le royaume de Boslavie. Le prince Miroslav doit en effet épouser mademoiselle Emmanuelle Tourangère. Cette union marquera par la même occasion le couronnement de Sa Majesté, qui…
Matt fit taire sa radio. Assis derrière son bureau, il sirotait un Highland Park...
Première partie : Un président peut en cacher un autre
Chapitre un
Cela faisait deux jours que Matt et Liloo prenaient un repos bien mérité. Les péripéties de leur précédente enquête étaient encore gravées dans leurs esprits.
Pourtant, les vacances risquaient d’être bien courtes : une nouvelle affaire venait de leur être confiée par le président de la République. Même si Matt ne l‘avait pas acceptée pour le moment, il ne pouvait pas refuser une telle proposition – surtout émanant de si haut.
En effet, le président Obamo venait à peine de quitter Matt et Liloo, après les avoir salués avant son départ, quand la sonnette de l’entrée avait retenti.
Liloo alla ouvrir. Elle resta bouche bée devant celui qui se présentait à elle.
— Qui est-ce ? demanda Matt, intrigué par le silence de sa collaboratrice.
— Je ne peux pas le dire, Matt ! cria Liloo qui n’arrivait pas détourner son regard.
Comment ça, vous ne pouvez pas ? s’insurgea Matt en s’approchant.
Sa gorge se noua lorsque Matt découvrit le mystérieux visiteur : le président de la République en personne venait le voir. Décidément, sa vie prenait un tour qu’il n’aurait jamais pensé connaître quelques jours auparavant.
Matt Borel, de son vrai nom Mattéo Borelli, fils d’immigré italien et petit détective marseillais, s’était retrouvé dans la cour des grands quand l’ancien président des États-Unis, Barry Obamo, avait fait appel à lui par l’intermédiaire de sa secrétaire, Sandrine Sido de Giverny, comtesse de l’Île aux Moines plus communément appelée Liloo.
La réalité avait dépassé la fiction. Lui qui rêvait de vivre les enquêtes de Philip Marlowe, se retrouva en peu de temps dans la peau de James Bond.
Et voici que maintenant, le président de la République française en personne sonnait à sa porte. Mais que pouvait-il bien lui vouloir ?
— Puis-je entrer ? demanda aimablement l’important visiteur, souriant.
Sa question ramena Matt à la réalité.
— Mais bien sûr, monsieur Mac…
Chut ! Je tiens beaucoup à ce que l’on ne prononce pas mon nom.
— Ah oui, c’est vrai ! Alors, comment faut-il vous appeler… ? Monsieur le président ?
— Appelez-moi Manu, voulez-vous ? Je suis resté très simple, vous savez !
L’illustre personnage entra directement et se cala sur le fauteuil installé derrière le bureau de Matt.
— Je vais être très clair, monsieur Borel…
— Appelez-moi Matt, voulez-vous ? J’ai moi aussi les chichis en horreur.
— Très bien ! Je reprends, si vous le permettez… ! Je vais être très clair, Matt…
— Un café, monsieur le Président ? proposa Liloo.
— Pas de président ici, je vous ai dit ! réprimanda-t-il visiblement irrité d’être coupé à tout bout de champ. Mais pourquoi pas ?! Sans sucre, s’il vous plait… ! Je recommence, donc… Je vais être très clair, Matt, la Fr…
— Votre café, monsieur Manu ! s’interposa Liloo en lui tendant sa tasse.
— Écoutez ! Je n’y arriverai pas, si vous m’interrompez tout le temps… s’énerva-t-il.
Retrouvant son calme, il poursuivit :
— Je vais être très clair, Matt, la France a besoin de vous !
— De moi ? demanda Matt, écarquillant les yeux. Je ne vois vraiment pas en quoi je peux être utile à mon pays, je n’ai pas de compétences pour être ministre… À la rigueur, ministre de l’Intérieur, mais, une fois que j’y serai, il me prendra l’envie de retourner à l’extérieur, à coup sûr !
— Non ! Non ! Vous n’y êtes pas du tout, Matt. J’ai tout ce qu’il me faut comme ministre. En même temps, je ne dis pas… Si l’un d’eux venait à me faire défaut… Mais là, c’est pour autre chose…
Le Président s’arrêta, son regard se durcit et il reprit d’un ton plus olympien :
— La France court un grave péril… Nous sommes envahis de faux billets de banque. Et en même temps, nous ne sommes pas les seuls… Toute l’Europe croule sous les euros contrefaits.
— Mais je ne vois pas en quoi je puis vous être d’une quelconque utilité.
— Pardon de vous le dire, mais vous êtes tout à fait l’homme qu’il nous faut. Mon agent spécial que vous connaissez très bien, Nick, vous a vivement recommandés, vous et votre petite amie Liloo…
— Ce n’est pas ma petite amie, coupa Matt. Mais ma collaboratrice…
— In-dis-pen-sable collaboratrice, se permit de corriger Liloo.
— … Sans compter que le président Obamo n’a pas tari d’éloges sur votre compte, conclut le grand dirigeant.
— Oui, mais je ne suis pas sûr de vouloir remettre ça de suite. J’ai besoin de vacances, maintenant.
— Et moi aussi ! Ces derniers jours ont été éprouvants, ajouta Liloo, qui refusait de rester à l’écart de la conversation.
— Pardon de vous le dire, mais l’intérêt de la France passe avant tout ! Nous avons saisi une grosse quantité de faux billets cette semaine, en provenance d’un petit royaume des Balkans, la Boslavie, et c’est la seule piste que nous ayons pour l’instant. Il ne faudrait pas la négliger.
— Tout cela mérite réflexion. Certes, quand la patrie est en danger, on se doit de répondre présent… Mais, d’un autre côté, si je ne prends pas de repos, je crains de ne pas être très performant.
— Écoutez… Prenez quelques jours, réfléchissez et tenez-moi au courant… Vite !
Le président prit congé de Matt et de Liloo, espérant bien voir la fibre patriotique du Marseillais le faire changer d’avis.
Chapitre deux
Midi. Matt buvait tranquillement son Casanis à la terrasse de la brasserie des Templiers. Il essayait de se détendre en profitant du beau temps qui régnait sur la cité phocéenne.
Le patron de l’établissement, Fred, vint le saluer.
— Eh, bonjour Matt ! Comment vas-tu ? Ça fait un moment qu’on ne t’a pas vu, t’étais sur une affaire ?
— Oui, mais je ne peux pas en parler, c’est secret Défense.
Fred éclata de rire devant cette réponse.
— Depuis quand un constat d’adultère est secret Défense ? Sacré farceur, va ! Si ça continue, tu vas nous raconter que tu as découvert celui qui a tiré sur Obamo.
Matt ne répondit pas. Comment expliquer à son ami que sa vie avait complètement changé en seulement quelques jours ?
— Que veux-tu, Fred ? Même le président de la République fait appel à moi maintenant, dit-il sur le ton de la galéjade.
— Tu déjeunes ? demanda le patron.
— Oui, tu me mets un aïoli, j’ai besoin de prendre des forces aujourd’hui.
— Ça marche !
Fred regagna son comptoir en rigolant.
— Sacré Matt ! Le vrai Marseillais, faut toujours qu’il exagère !
(à suivre)