1 - Jack se lance de Jack Beagle (Extrait)
Prologue
Vous me connaissez les amis, je ne suis pas du genre à geindre, mais je dois avouer que je suis en très mauvaise posture.
Pendu par les pieds avec des serpents qui se dressent juste sous mes yeux, il y a vraiment de quoi se plaindre, je vous jure.
Comment en suis-je arrivé là ? C’est une longue histoire, mais si vous me consacrez un peu de temps, je m’en vais vous la conter.
Je m’appelle Jack Daventure et je suis l’adjoint du conservateur du musée des docks romains à Marseille.
Marseille, c’est la ville où je suis né, c’est la ville où j’ai grandi et c’est la ville où j’aimerais finir mes jours – certainement pas suspendu au plafond comme un vulgaire jambon.
Franchement, vous croyez que c’est une situation pour un gars comme moi ?
Mais non, bien sûr ! Je savais que vous seriez d’accord avec moi ! Alors, pour vous qui êtes installé confortablement sur votre fauteuil, un verre de cognac à la main, voici toute l’histoire !
Première partie : Le mystère de la lance
Chapitre I
— Bonjour, monsieur Daventure !
L’homme qui venait de me saluer m’était totalement inconnu. Mais comme ma mère a fait de moi un gars poli, je l’ai salué à mon tour.
— Que désirez-vous ?
— Permettez que je me présente. Je m’appelle Alejandro Cuadrado et je suis négociant en objets d’art.
— Désolé, mais nous ne vendons pas d’artéfacts.
Franchement ! Il n’a pas vu l’inscription sur la porte de mon bureau ou quoi ? C’est un musée ici, pas une boutique de souvenirs.
— Je le sais parfaitement monsieur Daventure. Je ne suis pas venu parler à l’adjoint du directeur, mais à l’archéologue aventurier que vous êtes aussi à vos moments libres.
— Effectivement, il m’arrive de rechercher certains objets pour des particuliers, mais tout dépend de ce qu’il faut trouver et…
— Et de ce que ça vous rapportera, n’est-ce pas ? conclut-il.
Je constatai de suite que mon mystérieux visiteur me connaissait bien. Seulement, voilà, moi j’ignorais tout de lui.
— Et de ce que le musée y gagnera, précisai-je en un sourire ravageur. Mais que désirez-vous, monsieur… comment déjà ?
— Cuadrado ! Alejandro Cuadrado ! Je cherche la vérité, tout simplement !
Nous poursuivons tous ce but, mais comme disait un de mes amis détective*, elle n’est pas ici, me moquai-je.
— Vous avez entendu parler du Saint-Graal, bien sûr ?
— Le Graal ? Bien entendu !
Mon Dieu ! J’étais encore tombé sur un de ces cinglés qui recherchent à tout prix des objets mystiques pour je ne sais quelle raison.
Tout le monde sait que c’est une invention littéraire du 12e siècle ! continuai-je, étalant avec délectation ma culture. Cette histoire a tellement fasciné les gens que deux cents coupes, au moins, sont revendiquées par différents musées ou églises comme étant celle dans laquelle le Christ aurait bu lors de son dernier repas.
Je devais me débarrasser au plus vite de cet importun qui me faisait perdre un temps précieux. J’avais un rendez-vous galant et je ne voulais absolument pas arriver en retard.
* Il s’agit de Matt Borel, détective marseillais bien sûr !
— Je suis désolé de vous décevoir, mais le Graal est une affabulation et je défie quiconque de m’apporter la preuve de son existence, le sommai-je en le poussant vers la sortie.
— Attendez, monsieur Daventure ! Je ne vous ai pas tout dit !
— Quoi ? Que vous recherchez aussi l’Arche d’Alliance ou les Tables de la Loi ? Je ne m’appelle pas Indiana Jones ! Allez, oust !
— Mais enfin, monsieur Daventure, laissez-moi m’expliquer. Ensuite, vous déciderez !
Devant son insistance, je me sentis obligé de lui donner sa chance. En outre, je dois l’avouer, il commençait sérieusement à m’intriguer.
— Avez-vous entendu parler des Frères phocéens ?
— Que nenni, mon brave ! C’est quoi ? Un bar ? Un restaurant ? Une boîte de nuit ?
— Vous n’y êtes pas ! C’est une loge maçonnique dont je suis le grand maître. Que vous l’ignoriez est normal, nous tenons à rester… discrets.
— Pourquoi tout ce mystère ?
— Notre mission est de collecter des objets sacrés afin qu’il ne tombe pas en de mauvaises mains !
— Sage mission que la vôtre, mais en quoi cela me concerne ?
— Hitler, par exemple, faisait rechercher activement tout objet sacré censé lui procurer la victoire.
— Comme la fameuse lance avec laquelle Longinus, le légionnaire romain, perça le flanc du Christ, si je ne me trompe pas. Je connais cette histoire, mais ce n’est qu’une fadaise de plus ! J’ignore où vous voulez en venir !
— Patience ! Je vous parlais du Graal. On lui prête des pouvoirs.
— Je vous le répète… Une invention littéraire. Ne me dites pas que vous y croyez ?
— Ce serait avec cette même coupe que Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang du Christ sur la croix, et il l’aurait emportée avec lui jusqu’en Angleterre, continua-t-il imperturbable.
— Vous maitrisez parfaitement le sujet, me moquai-je.
— La légende raconte aussi que Joseph d’Arimathie a fondé une famille, gardienne du Graal.
— Mais comme vous le dites si bien, ce n’est qu’une chimère de plus…
— À un détail près ! Effectivement, ce n’est pas à proprement parler d’une lignée au sens étymologique du terme, mais d’un groupe de personnes qui, depuis des siècles, se sont donné pour mission de protéger cette relique sacrée… Et ce n’est point une légende.
Je crus un moment que j’allais défaillir en entendant ce qu’il m’annonçait.
— Car je suis l’un de ces descendants.
Chapitre II
— J’en ai entendu des conneries, mais là, c’est le pompon ! Je vous prie de quitter mon bureau.
Non, mais c’est vrai les amis, que diriez-vous si un gars débarquait chez vous et qu’il vous servait une histoire à dormir debout ? J’étais sûr que vous seriez d’accord avec moi !
— Attendez, monsieur Daventure ! Nous voulons seulement louer vos services ! Votre prix sera le nôtre !
Je ne suis pas de ceux qui se compliquent la vie, vous vous en doutez bien ! Il suffit de savoir me parler, c’est tout !
— Vous auriez dû commencer par ça, nous aurions gagné du temps ! De quoi s’agit-il ? Vous avez toute mon attention !
Je regagnai donc mon fauteuil et l’invitai à s’assoir. Je profitai de cet entretien pour l’examiner très attentivement. Il n’avait rien d’un illuminé, c’était sûr.
— Nous avons évoqué tout à l’heure la lance de Longinus…
— Ils furent nombreux, ceux qui affirmèrent l’avoir en leur possession. La plupart se sont révélés être des menteurs ou ont disparu sans qu’on pût en attester l’authenticité.
— C’est vrai ! Même celle dont Hitler s’était emparé en 1938 à Vienne, suite à l’annexion de l’Autriche, était une copie…
— Et celle de Paris s’est mystérieusement volatilisée lors de la Révolution française. Mais continuez, je vous prie !
L’objet de sa visite me semblait toujours obscur.
(à suivre)